EMDR aujourd'hui: critiques et réflexions sur l'EMDR en France. Dr Eric BARDOT




L’organisation et l’encadrement de la formation des thérapeutes.

Francine Shapiro établit un monopole arguant que seuls les thérapeutes formés par elle et son équipe peuvent pratiquer la méthode. De technique de désensibilisation à ses débuts, l’EMDR devient une technique de psychothérapie pour praticiens confirmés ayant suivis les deux niveaux de formation. A partir de 1990, Shapiro et l’EMDR font faire l’objet d’attaques dans les conférences et dans les journaux professionnels :


- sur sa formation de psychologue : l’école où elle s’est formée aurait disparue,

- sur sa découverte : les mouvements oculaires et corporels sont utilisés depuis très longtemps dans les pratiques shamaniques et comme inducteurs de transe en hypnose depuis Mesmer.
D’autres critiques viennent de Rosen qui estime que : « Pour sentir ses yeux bouger, cela nécessite un mouvement volontaire » .
L’efficacité de sa méthode est comparée soit à un placebo habilement emballé, soit à une variante de thérapie traditionnelle d'exposition ou les deux (Lilienfeld, 1996).
La promotion et la diffusion de sa méthode sont contestées (DeBell et Jones, 1997).
L’article de Richard McNally de 1999 montre bien ces aspects dans une comparaison sociologique avec Mesmer : « EMDR and Mesmerism ».

Cependant, Francine Shapiro obtient en 1994, le Distinguished Scientific Achievement in Psychology Award de l'Association Californienne de Psychologie et en juin 2002, le prix Sigmund Freud, décerné à la fois par l'Association Mondiale de Psychothérapie et par la ville de Vienne.
Francine Shapiro est la présidente de l’Association Internationale d’EMDR basée en Californie et crée également l’HAP : le programme d’assistance humanitaire EMDR qu’elle considère comme l’équivalent de « Médecins sans frontières » pour la santé mentale.

L’EMDR en France
Un psychiatre, François Bonnel, ayant rencontré l’EMDR lors d’un séjour en Californie, a été à l’origine de la première formation en France en 1994 et a créé la Société Française d’EMDR. En 2001, un autre psychiatre, professeur au département de recherche cognitive à l’université de Pittsburgh, David Servan-Schreiber, transforme la SFEMDR en EMDR France et fait reconnaître l’efficacité de l’EMDR dans le psychotraumatisme par la Fédération Française de Psychiatrie en 2004 et, dès lors, oriente le développement de l’EMDR dans une perspective neurointégrative.


Réflexions :
L’histoire de Francine Shapiro et de l’EMDR est à la fois fascinante et, en même temps, n’est pas sans poser de questions.


Son originalité est d’avoir réintroduit des techniques d’induction corporelle, les mouvements oculaires ou autres, à un protocole qui intègre à la fois les aspects comportementaux, sensoriels et cognitifs d’un vécu perturbant. Les mouvements oculaires favorisent la synchronisation patient-thérapeute. Par contre, on peut s’interroger si sa volonté de faire science, ne participe pas à la commercialisation de sa technique. Déposer une marque de thérapie est un procédé pour le moins étrange. D’ailleurs, s’agit-il d’un outil ou d’une technique (utilisable dans diverses approches thérapeutiques) ou d’une thérapie à part entière ? La question n’est pas simple quand la formation se fait en deux fois deux jours et est décrite comme simple à enseigner !


La relation de Francine Shapiro à l’hypnose, comme à son savoir-faire, issu de Palo Alto, questionne. Quelle est la place de la relation ? Quelle stratégie est mise en place dans la thérapie EMDR ?

La position du thérapeute n’est pas claire : accepte-t-il de s’inclure ou non dans le processus thérapeutique ?

Le système de traitement de l’information, théorie qui sous-tend la pratique questionne également. S’agit-il d’une métaphore comparable à l’inconscient comme réservoir de ressources de Milton Erickson ou d’une réalité ?


Ces questions m’ont amené à développer, avec mes collègues nantais, un modèle, l’HTSMA (Hypnose, Thérapie Stratégique et Mouvements Alternatifs) qui intègre le protocole de Francine Shapiro à l’apport de l’hypnose ericksonnienne et à la dimension stratégique des thérapies brèves systémiques (Palo Alto et De Shazer)


Dr Eric BARDOT, Formateur EMDR, HTSMA, Institut Mimethys Nantes

Hypnothérapeute, Formateur en EMDR - IMO à Paris, Marseille, Annecy, Bordeaux, Suisse (Genève,… En savoir plus sur cet auteur

Rédigé le 13 Février 2018 à 11:38 | Lu 2472 fois


Dans la même rubrique :