-Thérapeute : « Vous rêvez souvent ?
-Patiente : Ah ! non, vraiment c’est très rare.
-Th. : Des cauchemars peut-être ?
-P. : Ah ! oui, ça c’est plutôt fréquent ! »
On peut classer les cauchemars en deux catégories : il y a d’une part les situations dans lesquelles on se fait agresser par des méchants, des monstres, et de l’autre les situations dans lesquelles on est confronté au vide, on a peur de tomber, ou alors on est englué, perdu et on ne peut pas rejoindre ses proches. Les peurs dans les cauchemars correspondent aux peurs de la vie réelle et sont reliées au monde de l’abandon et au monde de la maltraitance tels que les décrit Julien Betbèze (1). Il existe des explorateurs des rêves qui d’une manière individuelle ou culturelle ont développé une connaissance sur les attitudes bénéfiques à avoir en rêve. Ainsi, il est important, selon eux, de toujours combattre et vaincre les ennemis rencontrés en rêve. Nous pouvons les détruire sans remords, ou mieux encore les mettre à notre service. Toute chute peut se transformer en vol, il suffit pour cela de regarder à quel endroit on veut atterrir. Les expériences où l’on est perdu ou englué peuvent également avec bénéfice se transformer en vol. Le vol permet de rejoindre un bel endroit où l’on peut découvrir des trésors et des personnes amicales. D’autres attitudes sont bénéfiques en rêve. Nous nous con centrons ici sur celles qui permettent de transformer les cauchemars en victoire : le combat et le vol.
Quelles sortes de peurs occupent les cauchemars de Karine ?
-Th. : « Vous pouvez me donner un exemple, Karine, du genre de cauchemar que vous avez fait récemment ?
-P. : Oui, ce sont souvent des histoires de vertige.
-Th. : Vous voulez bien m’en dire un peu plus ? Vous êtes en haut de quelque chose ?
-P. : Oui, on visite un château avec mes enfants, on est sur les remparts et il y a des créneaux et j’ai peur qu’ils se penchent et qu’ils tombent. Profitant de l’état de réceptivité de Karine après une séance d’EMDR fructueuse, il me semble qu’une proposition hypnotique est adaptée.
-Th. :Vous pouvez fermer les yeux à nouveau, vous savez que vous êtes ici avec moi en sécurité dans cette pièce, vous êtes également sur les remparts de ce château, je vous invite à vous jeter dans le vide et à bien regarder en bas à quel endroit vous allez atterrir... C’est sans doute un très bel endroit et il y a un trésor à découvrir...
Les signaux non verbaux que m’envoie Karine me laissent penser qu’elle est en sécurité, je peux poursuivre...
-Th. : Et vos enfants, pourquoi ne pas les inviter à vous rejoindre, ils savent certainement voler eux aussi...
Après cette première expérience qu’elle juge bénéfique, Karine souhaite me raconter un second cauchemar.
-P. : L’autre jour mon fils est sorti en ville avec un ami, ils ont fait une rencontre disons potentiellement dangereuse. Dans la réalité cela s’est bien terminé, mais la nuit suivante j’ai rêvé qu’il se faisait tabasser dans la rue par ces deux types.
-Th. : Eh bien Karine, vous pouvez fermer les yeux, et maintenant que vous savez voler, je vous invite à voler au secours de votre fils... vous pouvez le retrouver en ville et tabasser ces deux monstres.
-P. : C’étaient pas des monstres, c’était des types ordinaires.
-Th. : Vous pouvez tabasser ces types ordinaires, vous pouvez les vaincre, vous avez même le droit de les détruire... mais vous pouvez aussi... c’est mieux... les mettre à votre service... Vous pouvez vous avancer vers eux... et leur demander de vous offrir quelque chose... Karine semble apaisée, elle a toujours les yeux fermés, elle a écouté toutes mes propositions en acquiesçant. Il me semble que le temps est venu de la généralisation et de la suggestion post-hypnotique.
-Th. : La prochaine fois, Karine, que vous rencontrez des monstres, ou des types belliqueux en rêve, vous vous avancez vers eux, vous choisissez le plus costaud, le chef, vous vous approchez de lui, au plus près, nez à nez... et vous essayez d’apprendre quelque chose de nouveau, vous lui demandez : “qu’est-ce que tu veux ? qu’est-ce que je peux faire pour toi ?”... et vous lui demandez de faire quelque chose pour vous... et puis vous exigez un cadeau... quelque chose de très concret, un objet... Je tends à Karine de quoi dessiner, un papier et un stylo.
- Th. : Vous pouvez dessiner ce cadeau. Karine dessine devant moi un objet.
-Th. : Maintenant vous pouvez plier ce dessin, le ranger dans votre sac. Vous pouvez vous le procurer de différentes manières : l’acheter, le trouver par hasard, vous le faire offrir ou le fabriquer vous-même. Quand vous l’aurez entre vos mains, cet objet, il symbolisera un nouveau pouvoir que vous avez gagné en rêve. »
La séance se termine par quelques explications et consignes inspirées du travail de Giorgio Nardone (2) : « Nous portons les blessures de toutes les batailles que nous n’avons pas menées. » Toute peur qui n’est pas vaincue est renforcée. Sachant par ailleurs que les tentatives de solution de l’entourage de Karine ont plutôt renforcé sa phobie, je lui propose d’imposer à sa famille une conspiration du silence sur ce sujet. Je lui propose d’affronter ses peurs et de les affronter seule.
Les cauchemars occasionnés par les traumas sont considérés dans le DSM 5 comme un « symptôme d’intrusion » et constituent l’un des critères diagnostiques de l’ESPT. Permettre à une personne de se débarrasser de ses cauchemars est parfois un moyen suffisant pour quitter un diagnostic d’ESPT. Dans le cas clinique suivant, un ESPT durable a sans doute été évité grâce à des interventions relationnelles précoces de l’équipe soignante, de la famille et de la personne elle-même.
Bernard, 89 ans, a été hospitalisé suite à un grave accident cardiaque. Son transfert depuis les urgences jusqu’au service…
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-Patiente : Ah ! non, vraiment c’est très rare.
-Th. : Des cauchemars peut-être ?
-P. : Ah ! oui, ça c’est plutôt fréquent ! »
On peut classer les cauchemars en deux catégories : il y a d’une part les situations dans lesquelles on se fait agresser par des méchants, des monstres, et de l’autre les situations dans lesquelles on est confronté au vide, on a peur de tomber, ou alors on est englué, perdu et on ne peut pas rejoindre ses proches. Les peurs dans les cauchemars correspondent aux peurs de la vie réelle et sont reliées au monde de l’abandon et au monde de la maltraitance tels que les décrit Julien Betbèze (1). Il existe des explorateurs des rêves qui d’une manière individuelle ou culturelle ont développé une connaissance sur les attitudes bénéfiques à avoir en rêve. Ainsi, il est important, selon eux, de toujours combattre et vaincre les ennemis rencontrés en rêve. Nous pouvons les détruire sans remords, ou mieux encore les mettre à notre service. Toute chute peut se transformer en vol, il suffit pour cela de regarder à quel endroit on veut atterrir. Les expériences où l’on est perdu ou englué peuvent également avec bénéfice se transformer en vol. Le vol permet de rejoindre un bel endroit où l’on peut découvrir des trésors et des personnes amicales. D’autres attitudes sont bénéfiques en rêve. Nous nous con centrons ici sur celles qui permettent de transformer les cauchemars en victoire : le combat et le vol.
Quelles sortes de peurs occupent les cauchemars de Karine ?
-Th. : « Vous pouvez me donner un exemple, Karine, du genre de cauchemar que vous avez fait récemment ?
-P. : Oui, ce sont souvent des histoires de vertige.
-Th. : Vous voulez bien m’en dire un peu plus ? Vous êtes en haut de quelque chose ?
-P. : Oui, on visite un château avec mes enfants, on est sur les remparts et il y a des créneaux et j’ai peur qu’ils se penchent et qu’ils tombent. Profitant de l’état de réceptivité de Karine après une séance d’EMDR fructueuse, il me semble qu’une proposition hypnotique est adaptée.
-Th. :Vous pouvez fermer les yeux à nouveau, vous savez que vous êtes ici avec moi en sécurité dans cette pièce, vous êtes également sur les remparts de ce château, je vous invite à vous jeter dans le vide et à bien regarder en bas à quel endroit vous allez atterrir... C’est sans doute un très bel endroit et il y a un trésor à découvrir...
Les signaux non verbaux que m’envoie Karine me laissent penser qu’elle est en sécurité, je peux poursuivre...
-Th. : Et vos enfants, pourquoi ne pas les inviter à vous rejoindre, ils savent certainement voler eux aussi...
Après cette première expérience qu’elle juge bénéfique, Karine souhaite me raconter un second cauchemar.
-P. : L’autre jour mon fils est sorti en ville avec un ami, ils ont fait une rencontre disons potentiellement dangereuse. Dans la réalité cela s’est bien terminé, mais la nuit suivante j’ai rêvé qu’il se faisait tabasser dans la rue par ces deux types.
-Th. : Eh bien Karine, vous pouvez fermer les yeux, et maintenant que vous savez voler, je vous invite à voler au secours de votre fils... vous pouvez le retrouver en ville et tabasser ces deux monstres.
-P. : C’étaient pas des monstres, c’était des types ordinaires.
-Th. : Vous pouvez tabasser ces types ordinaires, vous pouvez les vaincre, vous avez même le droit de les détruire... mais vous pouvez aussi... c’est mieux... les mettre à votre service... Vous pouvez vous avancer vers eux... et leur demander de vous offrir quelque chose... Karine semble apaisée, elle a toujours les yeux fermés, elle a écouté toutes mes propositions en acquiesçant. Il me semble que le temps est venu de la généralisation et de la suggestion post-hypnotique.
-Th. : La prochaine fois, Karine, que vous rencontrez des monstres, ou des types belliqueux en rêve, vous vous avancez vers eux, vous choisissez le plus costaud, le chef, vous vous approchez de lui, au plus près, nez à nez... et vous essayez d’apprendre quelque chose de nouveau, vous lui demandez : “qu’est-ce que tu veux ? qu’est-ce que je peux faire pour toi ?”... et vous lui demandez de faire quelque chose pour vous... et puis vous exigez un cadeau... quelque chose de très concret, un objet... Je tends à Karine de quoi dessiner, un papier et un stylo.
- Th. : Vous pouvez dessiner ce cadeau. Karine dessine devant moi un objet.
-Th. : Maintenant vous pouvez plier ce dessin, le ranger dans votre sac. Vous pouvez vous le procurer de différentes manières : l’acheter, le trouver par hasard, vous le faire offrir ou le fabriquer vous-même. Quand vous l’aurez entre vos mains, cet objet, il symbolisera un nouveau pouvoir que vous avez gagné en rêve. »
La séance se termine par quelques explications et consignes inspirées du travail de Giorgio Nardone (2) : « Nous portons les blessures de toutes les batailles que nous n’avons pas menées. » Toute peur qui n’est pas vaincue est renforcée. Sachant par ailleurs que les tentatives de solution de l’entourage de Karine ont plutôt renforcé sa phobie, je lui propose d’imposer à sa famille une conspiration du silence sur ce sujet. Je lui propose d’affronter ses peurs et de les affronter seule.
Les cauchemars occasionnés par les traumas sont considérés dans le DSM 5 comme un « symptôme d’intrusion » et constituent l’un des critères diagnostiques de l’ESPT. Permettre à une personne de se débarrasser de ses cauchemars est parfois un moyen suffisant pour quitter un diagnostic d’ESPT. Dans le cas clinique suivant, un ESPT durable a sans doute été évité grâce à des interventions relationnelles précoces de l’équipe soignante, de la famille et de la personne elle-même.
Bernard, 89 ans, a été hospitalisé suite à un grave accident cardiaque. Son transfert depuis les urgences jusqu’au service…
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BERTRAND HÉNOT
Il dirige l’institut de formation Hexafor à Nantes, qu’il a créé il y a trente ans. Formateur et superviseur, titulaire d’un diplôme universitaire « Théories et cliniques des psychothérapies ». Il enseigne les pratiques narratives et l’approche orientée solution à des professionnelles du social dont la mission est de soutenir la parentalité ou d’y suppléer.